Du rififi dans les bennes

 



   Notre idée n’est pas de brocarder systématiquement ce qui se fait sur la ville, ni de tirer sur tout ce qui bouge. Nous désirons juste soulever des questions (auxquelles nous n’avons pas de réponses toutes faites). Malheureusement, comme toujours, le questionnement n’advient qu’après la prise de décisions. La démocratie locale n’existe que dans les discours précédant les élections, et encore…

 

   Instaurer une part incitative dans la taxe d’enlèvement des ordures ménagères n’a rien de critiquable, puisqu’il s’agit de responsabiliser les gens par rapport au tri de leurs déchets. Réduire la part des déchets ultimes qui sont enterrés ou partent en incinérateur est important, et pour cela il est nécessaire de trier, composter et recycler le plus possible (il faudrait surtout que nos industriels soient forcés par la loi de limiter emballages et suremballages, mais c’est un autre débat). Dans la mesure où faire appel au civisme, dans notre pays, a un effet limité, il est plus efficace soit de jouer sur la carotte et le bâton soit de taper direct au portefeuille. C’est cette dernière stratégie qui a été choisie, puisque nous paierons en fonction du nombre de poubelles de déchets ultimes que nous remplirons. Juste, logique et imparable.

 

   Le principe de la taxe incitative ne fait donc pas débat. Sa mise en application, par contre, peut être questionnée. Des choix sont à faire, car la part variable peut être calculée sur le volume de déchets, le poids ou le nombre d’enlèvements (ou de dépôts dans la colonne d’ordures). Besançon, par exemple, ville pionnière dans ce domaine, impose depuis 2008 une redevance incitative nommée « poids et levées » : elle est basée à la fois sur le poids des ordures et sur le nombre de présentations à la collecte. De ce fait, le poids des déchets ultimes de l’agglomération a baissé de 30 %, passant de 40.000 à 28.000 tonnes actuellement, soit 70 kilos de moins par an et par habitant.

 

   Dans notre département, le syndicat de collecte des déchets (SYMAT) a choisi d’utiliser le principe de colonnes enterrées pour les ordures ménagères (et tout ce qui est recyclable) dans certains lieux et du ramassage de bacs individuels par camions-bennes dans d’autres. A Bagnères par exemple, la taxe incitative sera basée sur le nombre d’ouvertures d’une colonne d’ordures ménagères au centre-ville ou sur le nombre de présentation des bacs en périphérie. Le poids des ordures et (ou) leur volume n’entrent pas en considération (ce qui ne paraît pas particulièrement équitable quand même).

 

   Au-delà de l’aspect incitatif, ce système présente l’avantage d’éliminer de la vue les containers collectifs disgracieux – et souvent débordants – que l’on trouvait sur certaines places ou dans certains lieux de campagne.  

   

   Des inconvénients, par contre, semblent inévitables, qu’une réflexion collective préalable aurait probablement fait apparaître, entraînant la modification de certains choix.

  - Les colonnes enterrées sont certes plus discrètes que les containers collectifs, mais elles n’embellissent tout de même pas le paysage. Or, il y aura multiplication dans la ville de ces lieux dédiés à la collecte d’ordures. Cela ne rajoutera rien au charme de bien des lieux, comme la place des Thermes (sans parler de l’inquiétude que l’enterrement des colonnes d’ordures induit par rapport au  fonctionnement du système hydraulique du champ captant des eaux thermales dans ce secteur, avec un sous-sol saturé d'eaux chaudes).

   - Ces nombreux lieux de collecte vont apporter d’importantes nuisances aux riverains. Quelques odeurs suspectes peut-être, mais surtout un trafic permanent : rotation de voitures venant amener les poches poubelles et le recyclage, camions venant vider régulièrement les colonnes.

   - Les personnes ne disposant pas de véhicules vont devoir transporter leurs poubelles et leur recyclage parfois sur des centaines de mètres pour rejoindre le lieu de collecte le plus proche. Les papis et mamies du centre-ville vont se faire les muscles (d’autant que les sacs – tarifiés comme faisant de 50 à 70 litres quand même ! – auront intérêt à être bien pleins si l’on veut éviter de les multiplier et donc de beaucoup payer).

    -  Des incivilités nombreuses sont à craindre : le nombre de poubelles abandonnées près des colonnes ou ailleurs risque d’être important, comme le nombre de poches de déchets ultimes mises intentionnellement dans la partie recyclage (où le badge n’est pas nécessaire). La police des ordures va avoir du pain sur la planche… Les prélèvements ADN lui seront bien utiles pour déterminer la provenance des poches abandonnées !

 

   N’aurait-on pas pu envisager, par exemple, de n’enterrer des colonnes que dans les endroits où se trouvaient déjà des containers collectifs, et de garder partout ailleurs le principe du ramassage des bacs individuels « pucés », comme cela se fera en périphérie de ville ? Ce faisant, il aurait été possible d’intégrer le paramètre poids de nos ordures ménagères présentées à la collecte et pas seulement celui du nombre de levées, ce qui aurait été plus juste.

 

   Par ailleurs, nous aimerions comprendre ce qu’aura d’incitatif la limitation  de l’accès à la déchèterie (27 fois par an), introduite en parallèle de la mise en place du nouveau système d’enlèvement des ordures. Qu’est-ce qui peut bien justifier cela ? Le service existe et fonctionne indépendamment du nombre de personnes qui le fréquentent quotidiennement. Puisque d’un côté l’on nous dit qu’il est capital d’inciter les gens à trier et à donner à recycler tout ce qui peut l’être, pourquoi d’un autre limiter leur accès au lieu où ils peuvent le faire ? Tout le monde n’a pas la possibilité de stocker des encombrants plusieurs jours dans un garage pour économiser le nombre de passages. Cet aspect du nouveau système de collecte paraît en contradiction avec sa philosophie et ne pourra que s’avérer contreproductif.

  

   Quand même, la bonne nouvelle avec la disparition des bennes d'ordures ménagères au centre-ville,  c’est que l’énigmatique mention « sauf B.O.M » de l'absurde panneau de sens interdit de la rue Gambetta va disparaître... puisqu’elle ne servira plus à rien !


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