Seconde chance

 



   L’un des objectifs principaux de nos commentaires sur l’actualité est de faire bouger les choses localement, puisque c’est à ce niveau que tout commence et qu’il est possible d’avoir un impact immédiat sur l’évolution de notre vie quotidienne. Il nous arrive pourtant aussi de prendre de la distance avec le local, de nous intéresser à la situation du pays et de la planète. Or le jour se prête à ça : impossible, en effet, de nous contenter de constater que Bagnères mérite le titre de ville d’eau… croupie en regardant l’état de la fontaine de la place de Strasbourg, quand l’enjeu des élections législatives de ce mois s’avère aussi crucial. Prenons donc un peu de hauteur !

 

   A un an des présidentielles, alarmés par la probabilité d’un second duel entre un président antisocial, imperméable aux enjeux écologiques actuels et une candidate d’extrême-droite, nous sonnions le tocsin : « Il y a urgence. Urgence à faire surgir une force sociale et écologiste puissante parce qu’unitaire. Urgence à unir sur un programme toutes les couleurs qui composent l'échiquier actuel de la gauche. Car en dehors de l’union, point de salut ». Miracle, l’union s’est faite. Un peu tard, malheureusement. Mais on sait qu’avec notre Constitution, l’échec à la présidentielle n’a rien de rédhibitoire : un président en minorité au Parlement est impuissant, et ne peut que nommer un Premier ministre de la majorité issue des législatives. Cela donne une cohabitation, comme nous en avons connu deux sous la Ve République. Balladur et Jospin ont pu, en tant que Premiers ministres, « déterminer et conduire la politique de la nation », comme le prévoit la Constitution, tandis que Mitterand et Chirac conservaient leur domaine réservé présidentiel (la politique extérieure et la défense). Cela n’a rien eu de traumatisant, bien au contraire. Nous sommes nombreux, par exemple, à garder une petite nostalgie des années Jospin, et des progrès sociaux qui les ont accompagnées.

   L’union à gauche – la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale –  s’est faite sur la base d’un programme radical, permettant de jeter aux orties la doxa néolibérale que nous sert le personnel politique de droite comme de gauche depuis trente ans. Pour cela, six cent cinquante propositions communes ont vu le jour, dont voici quelques exemples :  

- réduction du temps de travail, SMIC à 1 500 euros par mois, abrogation de la loi El Khomri, rétablissement de la retraite à 60 ans ;

- mise en place d’une planification écologique, relèvement de l’objectif de réduction des gaz à effet de serre à 65 % d’ici 2030, baisse de la TVA sur les transports en commun, suppression des lignes aériennes quand l’alternative en train est inférieure à trois heures ;

- accès garanti à tous les services publics essentiels à moins de trente minutes de tout lieu d’habitation, recrutement de 100 000 soignants pour l’hôpital public, ouverture de 500 000 places en crèche ;

- rétablissement d’un impôt sur la fortune (climatique), création d’un pôle public bancaire, renationalisation des aéroports, des autoroutes et de la Française des jeux, blocage des prixencadrement des loyers ;

- instauration d’une VIe République, renforcement de la participation citoyenne et du débat parlementaire, référendum d’initiative populaire, suffrage proportionnel, le tout pour en finir avec la monarchie présidentielle actuelle ;

- inscription du droit à la contraception et à l’IVG dans la Constitution, lutte contre le racisme et l’antisémitisme, amélioration des conditions de vie des seniors ;

- augmentation des moyens alloués à la justice, refondation de la police (révision de la formation des policiers, contrôle de leur action par une instance indépendante autre que l’IGPN etc.).

   Sur l’Europe enfin, sujet sensible s’il en est, il est proposé de mettre fin au cours libéral et productiviste de l’Union européenne (merci aux socialistes de l’époque, Jacques Delors et Pascal Lamy, qui ont beaucoup œuvré pour lui donner cette direction !), en désobéissant si nécessaire à certaines règles et en construisant un nouveau projet au service de la bifurcation écologique, démocratique et solidaire.

   La politique étrangère aurait pu être une pomme de discorde entre les signataires de la NUPES. Jean-Luc Mélenchon a eu, dans ce domaine, des prises de position parfois clivantes (sur l’OTAN par exemple, ou sur la non-livraison d’armes à l’Ukraine). Mais ce sujet ne relève pas des prérogatives d’un Premier ministre. Tant mieux finalement !

 

   De l’autre côté de l’échiquier, le Président fraîchement réélu souhaite obtenir à nouveau une majorité absolue de députés dévoués à sa personne, de godillots en marche au pas cadencé, votant ses projets sans état d’âme et ne se risquant pas à élaborer trop de propositions de lois. Mais quels projets au juste auront-ils à voter (si l’on s’en réfère aux maigres engagements du candidat Macron) ?

- celui fixant l’âge de départ à la retraite à 65 ans ; quand on sait que l’espérance de vie en bonne santé est de 62,7 ans pour les hommes et 64,1 ans pour les femmes, on souhaite à chacun de bien en profiter !

- celui planifiant la transition écologique ; quand on connaît le parcours des trois ministres qui se partageront le dossier (bonjour l’efficacité pour coordonner leurs actions), il y a de quoi se poser des questions sur leur compétence et leur sensibilité aux problèmes de la planète ; quand en plus on lit la feuille de route présidentielle, on frémit : si elle mentionne quand même le solaire et l’éolien, elle mise surtout sur le nucléaire, avec six centrales nouvelle génération qui devraient voir le jour ; mais comment cela serait-il possible, quand nous sommes incapables de faire fonctionner les deux déjà construites, que la moitié de notre parc nucléaire est à l’arrêt pour des problèmes insolubles de corrosion (frappant également les évaporateurs de l’usine de retraitement de La Hague) et que les déchets radioactifs s’accumulent sans que personne ne sache quoi en faire...

- celui conditionnant l’octroi du RSA à 15 ou 20 heures de travail hebdomadaire, manière de stigmatiser un peu plus les chômeurs et de les « réinsérer » !

 

   Le reste est flou. Notre Président n’a pas pris la peine de se doter d’un programme digne de ce nom. Il n’est même pas un vrai idéologue, juste un adepte de la godille néolibérale, capable de s’adapter en toute circonstance. Les nantis peuvent lui faire confiance, les vulnérables se préparer au pire !

  

 

   Le choix semble clair, finalement, pour ces législatives. Entre continuité et changement. Entre faire semblant et se colleter vraiment aux enjeux écologiques et sociaux. Entre business as usual et attitude responsable. Entre loi de la jungle et société solidaire. Entre culte de la croissance et questionnements autour de la décroissance.

   Nous devons raisonner en termes de survie de l’espèce, de modération de nos appétits consuméristes, de solidarité intergénérationnelle, de réduction drastique des inégalités. Il s’agit de commencer à changer vraiment de paradigme. Pas simple, mais plutôt enthousiasmant. Dimanche 12 juin, pas question de s’abstenir !

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