En avoir sous la pédale

 



 

   Ecrire sur la pratique du vélo pourrait avoir quelque chose de dérisoire, à un moment où des vagues pandémiques successives déferlent sur la planète, où le réchauffement climatique provoque  une croissance exponentielle d’événements extrêmes, où un autocrate fou s’emploie à redessiner la carte d’Europe avec ses chars d’assaut et envoie sur les routes des millions de réfugiés. On pourrait légitimement avoir l’esprit ailleurs.

   Le vélo ne nous sauvera pas de tout cela, bien sûr. Mais quand bien même, gardons-nous de minimiser son intérêt, particulièrement dans la conjoncture actuelle.

   Les prix des carburants explosent. Les voitures polluent l’air que nous respirons, aggravent l’effet de serre et ne pourront être fabriquées à l’infini au rythme actuel par manque de ressources naturelles. La sédentarité accrue de la population devient un problème majeur de santé publique.

   Pour toutes ces raisons, un usage accru de la bicyclette s’impose, partout où il s’avère possible. L’apparition des vélos à assistance électrique permet d’élargir l’usage de ce moyen de déplacement à un nombre d’usagers infiniment plus grand. Mais la condition du développement des déplacements à vélo, c’est qu’ils puissent s’effectuer en sécurité, et qu’une infrastructure spécifique soit mise en place pour louer, stationner et entretenir les machines.

   C’est l’objet du Schéma directeur cyclable élaboré par un bureau d’études et adopté récemment par la CCHB. Cette dernière a remporté l’appel à projet « Vélo et territoires » de l’ADEME, ce qui lui a permis de recruter pour trois ans une chargée de mission en charge du dossier. Le fait de s’être doté d’un schéma directeur permettra aux collectivités locales d’obtenir des subventions. Le moment est favorable pour cela, puisque que l’Etat, dans le cadre du Plan vélo national, entend provoquer le triplement de la part du vélo dans les déplacements quotidiens d’ici 2024. Que du bon, a priori, tout cela semble très sérieux… A moins qu’une fois encore il ne s’agisse que d’un enfumage en règle, et que les dizaines de milliers d’euros réglés au bureau d’études l’aient été en pure perte.

 

   C’est ce que laisse penser la réunion publique de présentation du Schéma directeur cyclable qui a été organisée le 7 mars. Il y avait, ce soir-là, beaucoup de monde venu – souvent à vélo ! – écouter la bonne parole. L’exposé du bureau d’études s’est avéré convaincant. Le schéma directeur paraît cohérent, réaliste. Il devrait constituer la base des politiques des communes de la CCHB en matière de déplacements doux pour les quinze ans à venir. Il élabore trois stratégies possibles, de la plus ambitieuse à la plus modeste. Bandes cyclables, véloroute le long de l’Adour, multiplication des stationnements etc. L’association « Osons le vélo », qui a beaucoup travaillé le sujet et fait d’innombrables propositions, pouvait se déclarer enthousiaste... en théorie tout au moins.

   Car, en pratique, que deviendront ces préconisations ? Les réponses aux questions posées après l’exposé avaient de quoi inquiéter. Les maires qui ont pris la parole ont bien rappelé que le schéma directeur n’était rien de plus qu’indicatif, et que sa mise en œuvre ne dépendait pas de la CCHB mais de chaque commune la constituant. Or les déplacements doux ne sont visiblement pas la priorité de beaucoup d’entre eux, qui n’ont pas l’intention d’inscrire dans leur budget la moindre dépense les concernant. Le maire de Bagnères lui-même s’employait à calmer les ardeurs de l’auditoire. « Oui, telle que vous la présentez, la mariée est belle. Mais quand on monte un dossier, les subventions ne tombent pas du tout comme vous le dites »… Pas le moindre argument ensuite montrant sa volonté de mettre en œuvre le schéma directeur. Nos élus ne sont pas des visionnaires, on le savait déjà. Pire, ils se montrent pour la plupart insensibles aux enjeux de notre temps. Ils se contentent de faire semblant, à coups de discours et d’investissements dérisoires.

 

   La montagne risque donc accoucher d’une souris, une fois de plus. Et l’épouvantail de l’augmentation des impôts locaux agité par un conseiller bagnérais d’opposition démagogue ne peut que contribuer à décourager des maires déjà peu motivés. Pourtant, il ne sera pas nécessaire d’augmenter la pression fiscale pour mettre en œuvre les préconisations du schéma directeur cyclable – qui seront largement subventionnées, rappelons-le. Il suffira de changer de priorités, tout simplement. Alors que tout se dégrade dans notre environnement, si nous ne faisons pas maintenant des choix radicaux autour des problèmes liés à l’énergie (transports collectifs, déplacements doux, isolation des bâtiments etc.), quand les ferons-nous ? Nous avons plus besoin d’aménagements de voirie facilitant l’usage du vélo que de caméras de surveillance.

   Et puis, pour ceux que les arguments écologiques laissent froids, restent les arguments économiques. A l’heure où le tourisme vert est en pleine croissance, pouvoir se déplacer partout à vélo en sécurité augmente énormément l’attractivité d’un territoire, comme on peut le mesurer dans plusieurs départements voisins. Le retour sur investissement est rapide.

 

   Bagnères pourrait viser un podium en matière de mobilités douces. Encore faudrait-il vraiment y croire, et, comme aime à le dire notre maire, « en avoir sous la pédale ».

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