Ecran de fumée

 



 

2011

Les enfants d’alors passent en moyenne trois heures trente devant les écrans. Un phénomène plutôt inquiétant.

Une association bagnéraise met en place l’opération « Alter’Visions », en prenant exemple sur une expérience strasbourgeoise. Il s’agit de répondre au défi posé par les conséquences de l’addiction aux écrans : problèmes de santé liés à une sédentarisation accrue, problèmes de concentration en classe, problèmes psychologiques liés aux confusions entre monde virtuel et monde réel, pertes de repères dus à une vie familiale s’atrophiant, etc.

L’idée, c’est de proposer à des enfants volontaires de passer une dizaine de jours sans utiliser le moindre écran, pour leur faire retrouver le goût du partage, de la convivialité, du jeu, de la lecture, des activités de plein air. Ils seront pour cela accompagnés par des membres de l’association, des enseignants et des parents. Leur seront proposés des activités physiques, manuelles, artistiques, et des spectacles vivants. Cinq écoles de la CCHB s’inscrivent alors dans le projet.

Le bilan est 100% positif. La plupart des participants se montrent enthousiastes. Ils reconnaissent avoir eu des moments difficiles (ce qui leur a montré combien ils étaient tombés dans une véritable dépendance), mais sont très fiers d’avoir gagné le défi, de s’être prouvé qu’ils pouvaient être heureux ailleurs que dans le virtuel. Une majorité d’entre eux pensent que cette expérience les amènera à mieux gérer par la suite l’équilibre entre moments passés devant les écrans et vie réelle.

 

2021

Durant le confinement, les enfants ont passé en moyenne sept  heures par jour devant des écrans. Le double d’il y a dix ans… Il est malheureusement à craindre que ces habitudes perdurent, surtout si on les encourage !

Cet automne, justement, la ville de Bagnères subventionne à hauteur de cinquante mille euros (à ajouter aux cent mille euros donnés par le département) une association extérieure connue seulement par les initiés, l’Union francophone (dont le but semble être de « soutenir la création d’un marché économique des pays francophones dédié aux secteurs des medias, de la publicité et du digital »). Cette association organise chez nous la deuxième édition de son festival Ecran Jeunesse, « festival dédié aux programmes jeunesse, avec pour but de valoriser la création de contenus multi-écrans et d’inciter les plateformes à créer du contenu ». Vingt et une heures de programme sont proposées aux enfants (sept longs métrages et plusieurs séries inédites).

Pour attirer les jeunes, on leur propose, en plus des « mascottes de leurs personnages préférés », quelques ateliers plus ou moins alléchants. Certains ont un lien évident avec le thème du festival - atelier doublage, atelier illustration graphique, atelier de découverte du monde de l’image… -,  d’autres paraissent purement occupationnels  - atelier « P’tits chefs », atelier yoga (quoi qu’un peu de yoga puisse peut-être aider à récupérer après tant d’heures passées devant un écran !). 

L’Education nationale elle-même relaie l’info (d’ailleurs l’adjoint à la culture, ancien inspecteur d’académie, semblait très fier de poser sur les photos de la cérémonie d’ouverture du festival, en compagnie du maire et du président du Conseil général), les parents n’ont donc pas à s’inquiéter, ce doit être du sérieux… Il est vrai que les enfants peuvent participer à un atelier « Education aux medias », la tarte à la crème du moment. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes.

 

Cent cinquante mille euros donnés par les collectivités à une association aux objectifs mercantiles, dont les responsables circulent en fourgon Mercedes flambant neuf. Cent cinquante mille euros qui aideront à ce que nos enfants soient toujours plus dépendants des medias et restent de bons consommateurs dociles de programmes et de publicités… Cent cinquante mille euros qui ne seront pas dépensés pour les aider à devenir des adultes épanouis et équilibrés. Un choix politique dommageable.

 

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