La guerre des Boutons d’or

 

 


   Les parents de l’école des Boutons d’or viennent de recevoir une mise en demeure des services de l’Etat : ils doivent inscrire leurs enfants ailleurs. Une première dans notre pays. Ils apprennent cela à quelques jours de la rentrée et ne comprennent pas. Quels dangers imminents et implacables menaçaient donc leur progéniture ? Des enseignants violents, des méthodes coercitives, des problèmes de sécurité au niveau des locaux ? Rien de tout cela, étrangement, mais essentiellement trois éléments :

- des manquements dans la tenue des registres administratifs ; mais quelle école n’en est pas là, quand on sait combien les directeurs sont soumis à une infinité de tâches…

- des locaux exigus par rapport aux effectifs ; il est vrai que l’école a été victime de son succès, mais l’aménagement du domaine Serbois allait résoudre ce problème rapidement ; la commission de sécurité, de son côté, n’avait rien signalé d’alarmant ;

- un enseignement ne permettant pas d’atteindre les acquisitions du socle commun : cet argument est irrecevable si l’on prend le recul nécessaire pour évaluer une pédagogie qui certes laisse le temps aux élèves d’aller à leur rythme mais obtient en fin de scolarité des résultats que toutes les études montrent parfaitement satisfaisants ; en Finlande, les enfants ne reçoivent pas non plus d’enseignement structuré avant 8 ans, ce qui n’empêche pas le système scolaire de ce pays d’obtenir des résultats remarquables.

   C’est un immense gâchis humain. On imagine le désarroi de toutes les personnes concernées : les parents, dont beaucoup avaient fait le choix de venir vivre dans notre région pour que leurs enfants bénéficient de ce type de pédagogie, les enseignants qui donnaient le meilleur d’eux-mêmes, les élèves surtout qui vont se trouver dispersés aux quatre vents, et parfois être mis en état d’échec dans les structures qui les accueilleront à cause de leur rythme d’apprentissage différent.

   Une violence absolue, incompréhensible.

   Alors il est tentant de chercher à comprendre qui a voulu la mort de cette école (qui n’est pas encore actée, précisons-le).

   Au plan local, beaucoup a été fait pour jeter le discrédit sur elle. Le vote d’une motion syndicale et surtout la venue de journalistes de Charlie Hebdo ne doivent rien au hasard. Des documents confidentiels ont fuité, signe que certaines personnes influentes au niveau syndical ou dans l’administration de l’Education Nationale ont agi. Le maire, de son côté, n’a guère d’affinités, on le sait bien, avec « les gens mettant leurs enfants dans des écoles alternatives qui sont dans la contestation de beaucoup de choses » (Le Monde du 25/08/2021). Il n’a pas manifesté la moindre empathie avec ces familles qui se voient refuser le choix pour l’éducation de leurs enfants, se dit « peu concerné », ne semble donc guère se soucier – bien au contraire ! – que beaucoup quittent la région. On aurait bien aimé entendre l’avis de son adjoint à la culture, qui, en tant qu’inspecteur d’académie à la retraite, n’est peut-être pas resté neutre...

   Au plan national, le reportage totalement à charge de Charlie Hebdo aura laissé des traces, et probablement incité l’administration à réagir. Jean-Michel Blanquer n’en est pas à son coup d’essai liberticide. Après avoir supprimé le libre choix de l’instruction en famille, on peut imaginer qu’il n’a guère de scrupules à s’attaquer au libre choix de l’école. La fermeture des Boutons d’or, si elle est exigée par la justice, constituera un grave précédent.

   Il faudra du temps pour que l’affaire soit jugée sur le fond. En attendant, nous souhaitons de tout cœur que le tribunal administratif empêche l’exécution immédiate de la mise en demeure faite aux parents, afin qu’une soixantaine d’enfants ne soient pas les otages d’une chasse aux sorcières des temps modernes.

   A suivre…


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