Siècle des Lumières Vs Siècle des Ondes

 


    Branle-bas de combat en ce début d’année. Le bruit court un soir que les travaux d’installation de l'antenne 5G aux allées Maintenon démarrent. La mobilisation s’organise et sous la neige, au petit matin, une quinzaine de personnes déterminées, soutenues par des associations, se rendent sur les lieux pour s’opposer à l’avancée des travaux. Les employés de l’entreprise sous-traitante d’Orange chargés d’implanter l’antenne ne forcent pas le passage, appellent un huissier pour constater qu’ils sont empêchés de travailler, reprennent leur matériel et s’en vont (avaient-ils été prévenus de ce qui les attendait et de la marche à suivre ? Probablement !)

   Une délégation des manifestants est reçue dans la foulée, à sa demande, par notre député. Celui-ci manifeste son étonnement et sa colère en apprenant que les travaux avaient commencé, malgré sa demande réitérée d'organiser une concertation autour de l'implantation de l’antenne (les allées Maintenon étant un lieu de promenade emblématique pour les Bagnérais et les curistes, en bordure d’un site classé). Il fait aussitôt un courrier de protestation à la direction d’Orange et à la préfecture.

   La mairie se contente d’envoyer une voiture de la police municipale, sans doute pour compter les manifestants. Le maire ne pouvait ignorer le démarrage des travaux. Lui qui disait début 2020 : « il sera proposé une implantation autre à cette antenne permettant une meilleure intégration dans le paysage local »... semble avoir changé d’avis depuis !

 

   Et maintenant ? Au mieux, l’action des protestataires et le courrier du député provoqueront l’abandon du projet… à l’endroit où il était prévu. Au pire, il se fera ailleurs (peut-être après concertation). Mais antenne 5G il y aura puisque ni Claude Cazabat ni Jean-Bernard Sempastous ne s’opposent au principe de son implantation.

   Quand bien même nos élus auraient une fibre écologique plus développée, ils se trouveraient bien en difficulté pour empêcher son arrivée dans notre ville. En effet, le Conseil d'Etat a reconnu une compétence exclusive aux autorités de l'État (Ministère, Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et Agence nationale des fréquences) pour réglementer l'implantation des antennes relais sur le territoire. Les autorités locales n’ont donc pas compétence pour s’y opposer.

   Tout se règle donc au niveau national. On assiste à une pantalonnade, un déni de démocratie (participative). La Convention citoyenne pour le Climat a demandé que soit décrété un moratoire sur le déploiement de la 5G – proposition relayée ensuite par soixante-dix députés. Emmanuel Macron, qui s’était engagé à mettre en œuvre les préconisations de la Convention, a aussitôt renié sa promesse : « oui, la France va prendre le tournant de la 5G. J'entends beaucoup de voix qui s'élèvent pour nous expliquer qu'il faudrait relever la complexité des problèmes contemporains en revenant à la lampe à huile ! Je ne crois pas que le modèle amish permette de régler les défis de l'écologie contemporaine ». Le chef d'une nation qui balaie d'un revers de la main ses engagements, cela a de quoi inciter à la révolte ! La 5G est probablement un élément emblématique de la transformation de notre pays en une « start-up nation » promise aux premiers de cordée, et à laquelle il aspire. Pas de temps à perdre en évaluant les risques sanitaires ou l’impact sur l’environnement de cette nouvelle technologie. 

   Pourtant, d’après le HCC (Haut Conseil pour le Climat organisme, créé par Emmanuel Macron lui-même, chargé d'évaluer la mise en œuvre des politiques pour réduire les émissions de gaz à effet de serre), il serait urgent de réfléchir avant d’agir. La question est cruciale et la réponse inquiétante.  

   Susceptible d'augmenter significativement l'empreinte carbone du secteur du numérique (émissions liées à la fabrication du matériel à l'étranger, installation des infrastructures, utilisation) et d’entraîner une hausse importante de la consommation d'électricité, le déploiement de cette technologie semble incompatible avec la lutte contre le changement climatique.

 

   Reste un point essentiel : les répercussions sanitaires potentielles consécutives à l’exposition à la 5G. Il est encore trop tôt pour connaître l'impact sur notre santé, les études scientifiques manquant totalement de recul. Quid du principe de précaution ?

 

   Mais au final, qui a besoin de la 5G, hormis l’Etat qui y gagnera des moyens inespérés pour surveiller sa population (généralisation des caméras de surveillance utilisant la reconnaissance faciale, géolocalisation et fichage renforcés - cf. ce qui se passe en Chine) ? Nous pourrons certes gérer toujours plus d’objets connectés. Mais avons-nous vraiment besoin d’un frigo qui nous alerte quand le beurre va manquer ?

  

   Madame de Maintenon, amoureuse de Bagnères, vivait à l’aube du siècle des Lumières, période où l’on croyait que progrès scientifique et humanisme débarrasseraient les citoyens d'une pensée corsetée par la religion. Ils ont juste changé d’œillères.

  Notre siècle se pense "connecté".  En réalité, il est mal relié au monde, au vivant qu'il éreinte, au corps sociétal qu'il asphyxie, à la beauté qu'il maltraite. Notre époque rend le présent anxiogène et le futur hypothétique.

   Triste constat. Par bonheur reste la réflexion, à laquelle, paradoxalement, Internet participe....

                                                                                    Docteur BEC. JMA et EV


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