Faut-il avoir peur des Boutons d’or ?
Les Boutons d’or, depuis leur création, ont subi une étonnante campagne
de dénigrement, par les mêmes, souvent, qui avaient attaqué
Pour y avoir travaillé – avec bonheur – quarante ans de ma vie , je connais un peu les écoles publiques, avec leurs forces et leurs faiblesses. En voici quelques unes.
- Le service public d’éducation
est gratuit, donc ouvert à tous. Il est bâti sur l’idée généreuse d’égalité des
chances et sur le principe de laïcité, donc de tolérance.
- Les enseignants recrutés ont une
formation solide, et la plupart d’entre eux sont compétents, motivés et
dévoués. Ils disposent d’une grande liberté pédagogique.
- Une majorité d’élèves acquiert
un niveau scolaire correct ou satisfaisant, et s’épanouit dans le cadre
scolaire proposé.
Mais…
- L’attribution des postes se fait
sur la base d’un barème mathématique, non sur des profils adaptés à des projets
d’établissement. Les écoles ne peuvent donc se prévaloir de façon homogène
d’une pédagogie particulière. Ainsi on peut trouver, au sein d’une même
structure, l’instituteur de CP pratiquant la pédagogie Freinet et celui du CE1
une pédagogie traditionnelle. Le manque de continuité induit peut désorienter
bien des élèves.
- L’obligation de suivre des
programmes nationaux extrêmement formatés fait qu’un enseignant est censé faire
avancer toute sa cohorte d’élèves à la même vitesse. Les différences de rythme
de développement entre enfants sont donc artificiellement niées.
- Dans beaucoup de classes
traditionnelles, les valeurs de bienveillance et de coopération sont occultées
par les notions de performance à évaluer et de compétition. Comme les
évaluations internationales Pisa le mettent en évidence année après année, l’école
publique française, par son fonctionnement élitiste, creuse les inégalités sociales
au lieu de les atténuer. Nous avons un système performant pour dégager une
élite, mais générant en parallèle échec et souffrance psychologique pour un nombre
important d’élèves.
De nombreuses familles ont conscience de ce phénomène, et désirent un
autre environnement pour leurs enfants. Un cadre dans lequel ces derniers peuvent
s’entraider, apprendre à leur rythme, développer leur créativité plus que leurs
capacités de restitution.
Les Boutons d’or, créés il y a huit ans, se revendiquent, eux, de la
pédagogie Steiner-Waldorf. Leurs maîtres-mots sont individualisation du rythme (tout
en suivant un plan scolaire pour le groupe classe), mise en valeur des points
forts de chacun (et aide bien sûr pour les points faibles), sens donné aux
apprentissages (lien entre les matières enseignées), contact avec la nature, pas
d’apprentissage scolaire intellectuel avant 6 ans, responsabilisation, prise en
compte des dimensions émotionnelle, artistique, manuelle et intellectuelle, apprentissage
basé sur l’expérience. Ce sont ces principes et rien d’autre qui créent
l’adhésion des familles, la plupart ne s’intéressant que de très loin à la pensée
philosophique de Rudolf Steiner en tant que telle, qui n’est d’ailleurs pas
enseignée en classe (la motivation des parents de
L’école des Boutons d’or est hors contrat, mais l’Etat diligente une
inspection annuelle, et impose des règles très strictes (sécurité, respect du
socle commun etc.).
Bien sûr, ces écoles alternatives ont aussi des aspects discutables.
- Dans les écoles Steiner, on doit
en théorie garder le même professeur pendant de nombreuses années, et quand c’est
le cas, cela peut certainement être source de problèmes (manque d’affinité
éventuel, limite dans la diversité des apports). A mon sens, la qualité de
l’enseignement tient autant à la qualité de l’enseignant lui-même qu’au
mouvement pédagogique dont il se revendique. A Bagnères, cependant, le principe
d’un cycle de huit ans avec le même référent adulte n’est pas mis en
application.
- Cet enseignement a un coût élevé
pour les familles. En Californie, ce sont les cadres richissimes de
Les écoles publiques de notre ville voient leurs effectifs s’amenuiser
au fil des ans. Des classes ferment régulièrement. La raison est essentiellement
démographique : notre région vieillit.
Les écoles alternatives, elles, ont des effectifs en expansion. Mais
elles ne prennent au secteur public qu’un nombre marginal d’élèves, car elles
fonctionnent majoritairement avec des enfants de familles faisant le choix de
s’installer à proximité de chez nous en raison de l’existence même de ces
écoles. Si Calandreta et Boutons d’or n’existaient pas, la plupart de leurs
élèves actuels ne seraient pas scolarisés à Bagnères. Ces écoles sont donc une
chance pour notre ville – elles amènent familles nouvelles et créations
d’emplois – et non une menace pour notre service public d’éducation.
En conclusion… Au lieu de s'offusquer, l'école républicaine à laquelle nous sommes tous attachés devrait s'interroger sur la relative désaffection qu’elle connaît afin d' y remédier en s'inspirant de modèles plus ouverts où le corps, l'esprit, la coopération, l'apprentissage, la confiance en soi et l’égalité républicaine se retrouvent dans le même cartable.
JMA