Panne d'avenir
Nous vivons un moment déstabilisant, depuis le mois de mars. Une certaine légèreté a disparu de notre vie quotidienne, et risque fort ne pas refaire surface avant longtemps.
Rester à distance les uns des autres est terriblement frustrant, porter un
masque irritant, passer une frontière angoissant. Le télétravail nous
isole, les normes sanitaires nous étouffent, la menace du chômage nous
tétanise.
Attraper un simple rhume devient déstabilisant : faut-il se faire tester aussitôt, aller voir un médecin d’abord, s’isoler immédiatement de ses proches, ou appeler d’urgence le 15 ?
A qui profite la situation ?
Aux financiers, qui vivent toujours dans leur bulle mais ne s’en plaignent pas,
puisqu’elle a continué de grossir ces derniers temps. Quand elle éclatera, les
Etats renfloueront, comme d’habitude. La vie est belle.
Aux actionnaires des entreprises liées au numérique et à la vente en ligne, dont la valeur a décuplé. Un autre monde.
Ceux, les plus nombreux, qui souffrent de la situation actuelle, pourraient se dire que ce n’est qu’un mauvais moment à passer, que le virus disparaîtra un jour ou l’autre sous les coups d’un vaccin, que l’on finira bien par tomber le masque et retrouver un peu de légèreté.
Mais, d’évidence, la pandémie de Covid n’est qu’une illustration supplémentaire du fait que nos sociétés vont dans la mauvaise direction. S’attacher à une vision d’ensemble contribue largement à alourdir l’atmosphère…
A l’international, nous observons quotidiennement
Trump, Xi Jinping, Poutine, Erdogan et consorts, dirigeants des pays les plus
influents, jouer au dés avec la paix mondiale, faire de la démagogie un art
pour s’accrocher au pouvoir le plus longtemps possible, et se montrer
totalement indifférents au sort de la planète. Après eux le déluge…
Au niveau national, nous savons bien que les dirigeants politiques et économiques sont du même monde, et que l’intérêt général est la dernière roue de leur carrosse. Les inégalités se creusent, les sols se bétonnent, les forêts se dégradent, les eaux se raréfient et deviennent impropres à la consommation, les élevages industriels et les algues vertes prolifèrent, la biodiversité s’effondre, les déchets nucléaires s’accumulent, l’air se charge en particules fines… mais eux font semblant de ne rien voir. Prendre des décisions radicales dans le domaine social ou environnemental toucherait aux intérêts des puissants ou mécontenterait quelques franges de population influentes, mettant en péril les élections suivantes. Alors, rien ne presse…
A l’échelle locale, notre maire se demande encore comment Bagnères pourrait
punir
« Maudite soit l’époque où le troupeau des aveugles est sous la conduite d’une poignée de fous » faisait dire Shakespeare au Roi Lear. C’est toujours d’actualité.
Pourtant, derrière cette sensation de vivre la fin d'un monde, l'énergie,
l'envie de retrouver légèreté et optimisme, affleurent chez la plupart d'entre
nous.
Il suffirait d'avoir le sentiment que les
bonnes décisions sont prises, au niveau des nations comme des collectivités,
que nous commençons à changer de paradigme, à réduire les inégalités entre
peuples et entre individus, à impulser une croissance réorientée vers les
services et une transition énergétique radicale, dans le respect de
l'environnement et de la biodiversité.
Alors notre regard changerait et nous apporterions avec enthousiasme notre
contribution à la réalisation d'une société plus juste, fraternelle et durable.
Cela transcenderait l'action individuelle en orientant l’ardeur collective vers
la vie et sa préservation.